Chapitre 1
Du donneur au receveur – un ouvrage sur l’activité transfusionnelle au Canada

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Auteur(s)
Sophie Chargé, PhD
Date de publication

Contexte

Comme l’indique le rapport 2016 de la RAND Corporation, il est reconnu mondialement que « tout système de santé doit avoir un système du sang solide et durable. Il est essentiel que des produits sanguins sûrs soient disponibles pour les opérations, le traitement de maladies aiguës ou chroniques (dont le cancer), la traumatologie, la transplantation d’organes, les accouchements et tous les autres services de santé qui prolongent et améliorent la vie de millions de patients chaque année. » 1 

Lors de la tragédie du sang contaminé2 survenue dans les années 80 et 90, des milliers de Canadiens ont été infectés par le virus de l’immunodéficience humaine et le virus de l’hépatite C. Cette tragédie a mené à la Commission d’enquête sur l'approvisionnement en sang au Canada, dirigée par le commissaire-juge Horace Krever. Le commissaire Krever a déposé son rapport à la Chambre des communes en 1997. Il y a formulé 50 recommandations, qui, encore aujourd’hui, servent de guide de référence pour assurer la sécurité du système pour tous les Canadiens qui reçoivent du sang.3 La même année, les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux ont adopté un protocole d’entente pour définir la nouvelle autorité nationale en matière de sang. C’est ainsi que naissait, en 1998, un service national indépendant représenté par deux fournisseurs, la Société canadienne du sang et Héma-Québec, qui seraient financés principalement par les gouvernements provinciaux et territoriaux, et réglementés par la même entité que l’ancien système, soit le gouvernement fédéral. Le nouveau système allait bénéficier de l’appui de plusieurs comités de consultation et de liaison qui assureraient la communication entre les parties et l’implication du milieu médical.

Ce premier chapitre du Guide de la pratique transfusionnelle4 donne une vue d’ensemble du système d’approvisionnement en sang du Canada, des règlements et des normes en place ainsi que des organisations et des professionnels qui, combinés, veillent à ce que la médecine transfusionnelle pratiquée au Canada soit sûre.

Gouvernement fédéral

La qualité et l’innocuité du sang et des produits sanguins sont supervisées par le gouvernement canadien. À la suite de la tragédie du sang contaminé, des recommandations ont été formulées pour modifier la Loi sur les aliments et drogues. La loi révisée énonce clairement les exigences à respecter pour assurer l’innocuité, l’efficacité et la qualité des produits sanguins destinés à la transfusion.

Il existe également une norme nationale sur le sang et les produits sanguins — la norme Sang et produits sanguins labiles —, qui date d’avant le Règlement sur le sang afférent à la Loi sur les aliments et drogues de Santé Canada. Cette norme, publiée en 2004 par l’Association canadienne de normalisation (CSA), traite des exigences en matière de gestion pour les établissements qui prélèvent, traitent, entreposent et utilisent les produits sanguins labiles humains à des fins de transfusion. Elle aborde les questions touchant l’innocuité, l’efficacité et la qualité de ces produits pour les receveurs, la sécurité des donneurs, la gestion des produits sanguins labiles et la sécurité du personnel de l’établissement et de toute autre personne exposée aux produits sanguins labiles ou susceptible d’en subir les effets.5 Cette norme a été élaborée par un comité technique composé de professionnels de la santé et de représentants des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, des groupes d’utilisateurs et des établissements du sang. Lors de l’élaboration, le comité technique a longuement consulté les normes équivalentes au Canada et à l’étranger, y compris les Standards for Blood Banks and Transfusion Services de l’American Association of Blood Banks (AABB) et les Normes de médecine transfusionnelle de la Société canadienne de médecine transfusionnelle (dont il sera question plus loin).

Santé Canada a adopté le Règlement sur le sang en application de la Loi sur les aliments et drogues en 2014.6 Relevant de la Direction générale des produits de santé et des aliments, le Règlement fait abondamment référence à la norme CSA et prévoit des exigences précises réglementant le sang et les composants sanguins destinés à la transfusion ou à la transformation en drogues pour usage humain. Il s'applique à toute personne ou à tout établissement qui traite, étiquette, conserve, distribue ou transforme du sang destiné à la transfusion ou à une fabrication ultérieure, y compris à tout établissement qui importe du sang destiné à la transfusion. Il n’y a pas de lien de dépendance entre Santé Canada et la Société canadienne du sang ou Héma-Québec. Santé Canada ne dicte pas les décisions opérationnelles ou organisationnelles de l’un ou l’autre fournisseur, mais ceux-ci sont tenus de lui soumettre tout changement qu’ils souhaitent apporter à leurs opérations et de démontrer que le changement proposé n’aura aucune répercussion négative sur l’innocuité du sang.

Pour appuyer les activités de surveillance, l’Agence de la santé publique du Canada a établi le Programme de contributions pour la sûreté du sang, qui comprend le Système de surveillance des erreurs transfusionnelles, le Système de surveillance des incidents transfusionnels et le Système de surveillance des cellules, des tissus et des organes. L’information recueillie par l’entremise de ces systèmes volontaires est utilisée pour dégager les tendances en ce qui concerne les erreurs transfusionnelles, les effets indésirables et les incidents survenus dans les hôpitaux canadiens. Cette information sert également de point de référence pour les parties prenantes à l’échelle nationale et internationale.7 En gros, ces systèmes visent à améliorer les pratiques transfusionnelles et à maximiser la sécurité des patients.

Gouvernements provinciaux et territoriaux

Au Canada, il revient à chaque gouvernement provincial ou territorial de définir l’orientation du système de santé de la province ou du territoire et d’en contrôler l’exploitation, une responsabilité qui comprend le financement du fournisseur de sang. Le financement de la Société canadienne du sang est donc approuvé par l’ensemble des ministères de la Santé des provinces et des territoires (sauf le Québec). Ainsi, ce sont les ministères de la Santé qui, chaque année, allouent les budgets pour les produits sanguins destinés aux patients; les hôpitaux ne paient pas eux-mêmes. Les fonds accordés à la Société canadienne du sang par chaque province ou territoire sont généralement fonction de la répartition réelle des produits.  

Les ministères de la Santé des provinces et des territoires élisent les administrateurs de la Société canadienne du sang, lesquels sont responsables de l’orientation générale et de la supervision de l’organisme. Les ministères sont également représentés au comité de liaison provincial et territorial de la Société canadienne du sang et au Comité consultatif national sur le sang et les produits sanguins (CCN), dont les rôles sont les suivants :

  • À titre d’intermédiaire entre la Société canadienne du sang et les provinces et territoires, le comité de liaison appuie la Société canadienne du sang dans son travail pour fournir à l’ensemble du pays (sauf le Québec) des provisions de sang sûres, en quantités suffisantes et à un prix abordable. Ce comité se compose de représentants de la Société canadienne du sang et des ministères de la Santé des provinces et territoires.
  • Le Comité consultatif national offre un avis consultatif sur la pratique transfusionnelle ainsi que sur la gestion de l’utilisation des produits sanguins et des protéines plasmatiques. À la demande du comité de liaison, le CCN a rédigé une série de recommandations et de lignes directrices sur des sujets d’intérêt, par exemple la distribution et la gestion de l’utilisation des produits sanguins en période de pénurie importante de sang. Le comité comprend des professionnels de la santé nommés par les gouvernements provinciaux et territoriaux, des représentants de la Société canadienne du sang et un représentant du ministère de la Santé. 

Plusieurs gouvernements provinciaux et territoriaux ont établi un programme ou un bureau de coordination du sang afin de guider et de soutenir la Société canadienne du sang et les autorités régionales de la santé relevant de leur compétence. Travaillant en collaboration, ces bureaux veillent à ce que les produits sanguins soient gérés de manière sûre et efficace. Ils font également le pont entre les autorités régionales de la santé et les gouvernements provinciaux et territoriaux pour toute question concernant la gestion des produits sanguins. (Liens vers les sites web des bureaux de coordination provinciaux.)

Fournisseurs de sang

Il y a deux fournisseurs de sang au Canada : Héma-Québec, qui alimente les hôpitaux de la province de Québec, et la Société canadienne du sang, qui approvisionne les hôpitaux des provinces et des territoires du reste du pays. Les deux organismes veillent principalement à préparer des produits sanguins labiles à partir de dons provenant de donneurs volontaires et à gérer les réserves de manière à pouvoir alimenter les hôpitaux selon les besoins. Ils sélectionnent les donneurs, collectent le sang, l’analysent, le transforment en produits sanguins, l’entreposent et acheminent les produits finis aux hôpitaux. Fort d’un personnel qualifié aux compétences variées (soins infirmiers, techniques de laboratoire, affaires réglementaires, affaires juridiques, finances, TI, etc.), d’un système qualité complet et d’une infrastructure adaptée, chaque organisme fournit des produits sanguins de la plus haute qualité.

La Société canadienne du sang est constituée en personne morale sans but lucratif. Elle est réglementée par Santé Canada en tant que fabricant de produits biologiques et est financée principalement par les ministères de la Santé des provinces et des territoires, hormis le Québec. Les ministres de la Santé nomment les administrateurs de la Société, approuvent son budget annuel et revoient son plan stratégique. La Société a son siège social à Ottawa, d’où elle gère les centres de production, les laboratoires d’analyse et les centres de donneurs de tout le pays (sauf du Québec), veillant aussi bien aux opérations qu’à l’assurance qualité. Chaque emplacement fait régulièrement l’objet d’audits internes et externes rigoureux.

Sélection des donneurs

Comme l’indiquent les lignes directrices de l’Organisation mondiale de la Santé sur l’admissibilité au don de sang, « les services transfusionnels doivent recueillir le sang uniquement de donneurs qui posent un faible risque d’infection transmissible par transfusion et dont la santé risque peu d’être affectée par le don de sang »8 [Traduction]. La sélection des donneurs fait également partie des sujets traités dans la norme canadienne.5 Les fournisseurs de sang répondent aux exigences de la norme en suivant une procédure rigoureuse comportant plusieurs étapes, depuis l’éducation des donneurs potentiels jusqu’à l’obtention de données post-don en passant par l’évaluation de chaque donneur (faite, entre autres, grâce à un questionnaire sur les maladies aiguës et les infections chroniques).9 Certaines décisions concernant la sélection des donneurs peuvent avoir une forte incidence sur le recrutement et la fidélisation des donneurs. Ces décisions ne peuvent être prises à la légère, car elles peuvent affecter la capacité du fournisseur à maintenir des réserves de sang et de produits sanguins en quantités suffisantes.

Les donneurs eux-mêmes jouent un rôle essentiel dans la procédure de sélection. Ils doivent s’assurer de bien comprendre les questions contenues dans le questionnaire et d’y répondre honnêtement. De plus, ils doivent informer le fournisseur de sang de toute maladie contractée ou de tout diagnostic posé après le don qui pourrait présenter un risque pour l’innocuité des produits sanguins préparés à partir de leur don.

Collecte de sang et analyses

Le prélèvement du sang total et des composants sanguins est la responsabilité des fournisseurs de sang. La Société canadienne du sang prélève chaque année environ un million d’unités de sang et de composants sanguins à ses centres de donneurs et à ses collectes mobiles. Pendant le prélèvement, le personnel administratif et infirmier garde un œil sur les donneurs, surveillant qu’aucun ne subit d’effets indésirables. Le personnel doit respecter un ensemble de politiques et de procédures pour assurer l’innocuité et la qualité du don.

Les laboratoires de la Société effectuent plusieurs tests de dépistage afin de vérifier si les dons contiennent des agents infectieux pouvant être transmis par transfusion. Pour certains virus (ex. : VIH de type 1 et 2, hépatite B, hépatite C), tous les dons sont analysés, tandis que pour d’autres, comme Trypanosoma cruzi, l’agent pathogène qui cause la maladie de Chagas, on analyse uniquement un sous-groupe, déterminé par le niveau de risque établi en fonction des réponses au questionnaire pré-don. La sélection des donneurs et les analyses sont traitées plus en profondeur dans le chapitre 6 du guide clinique.11

D’autres analyses sont effectuées pour déterminer les groupes ABO et RH du donneur, ainsi que pour déceler la présence d’anticorps anti-érythrocytaires irréguliers. Ces analyses sont nécessaires pour éviter une incompatibilité immunologique qui entraînerait la destruction prématurée des érythrocytes transfusés au receveur.10 En plus d’analyser le sang des donneurs, les laboratoires de la Société canadienne du sang et d’Héma-Québec font des analyses pour les hôpitaux ayant des patients aux besoins transfusionnels complexes. La Société canadienne du sang fournit en outre des services de consultation et d’analyse d’anticorps pour les femmes enceintes du Canada dans les cas où la présence d’anticorps peut avoir un impact sur la gestion de la grossesse.

Les fournisseurs de sang doivent constamment revoir leurs méthodes de sélection et d’analyse en fonction de l’évolution des agents pathogènes, des tests (test d'amplification des acides nucléiques, séquençage de nouvelle génération, etc.) et de la technologie (p. ex. : réduction leucocytaire, réduction des agents pathogènes). Ils doivent veiller à l’innocuité des réserves de sang tout en ayant des critères de sélection aussi inclusifs que possible. Tout changement important aux méthodes de sélection et d’analyse doit être approuvé au préalable par Santé Canada. Au cours des dernières années, l’Alliance of Blood Operators (ABO) a conçu un cadre décisionnel fondé sur les risques afin d’aider les fournisseurs de sang à maintenir l’innocuité du sang en prenant des décisions éclairées et en adoptant des mesures proportionnelles aux risques.12 La Société canadienne du sang a eu recours à ce cadre entre autres pour évaluer le risque associé au parasite Babesia microti et au virus Zika, et pour déterminer les mesures à prendre par rapport à la sélection des donneurs et l’analyse des dons.

Préparation des produits sanguins et distribution aux hôpitaux

Les produits sanguins labiles sont préparés dans les installations des fournisseurs de sang. (La préparation des composants est traitée plus en profondeur dans le chapitre 2.13)

Par contre, les protéines plasmatiques et les produits thérapeutiques recombinants ne sont pas fabriqués par les fournisseurs de sang, mais par des sociétés pharmaceutiques situées à l’étranger. Toutefois, les protéines plasmatiques que la Société canadienne du sang utilise sont fabriquées à partir de plasma qu’elle a elle-même recueilli. La Société négocie les contrats de produits fractionnés et recombinants avec les sociétés pharmaceutiques en fonction des besoins des patients canadiens (voir le chapitre 5).14

Les produits sanguins labiles et les protéines plasmatiques sont conservés dans les installations de la Société canadienne du sang et sont distribués aux quelque 600 établissements de soins de santé selon un calendrier préétabli. Des produits supplémentaires sont livrés sur demande.

Retraçage des receveurs et des donneurs

Le fournisseur de sang doit être informé de toute information concernant un risque transfusionnel pour le receveur. Cette information peut provenir de différentes sources : services du fournisseur de sang (laboratoire, personnel médical, affaires réglementaires), donneurs, hôpitaux et médecins. Ainsi, lorsqu’un patient réagit négativement à un produit sanguin, l’hôpital en informe la Société canadienne du sang.

Les donneurs qui tombent malades après un don de sang sont également tenus d’en faire rapport à la Société. Tous les rapports sont examinés minutieusement par l’équipe médicale de la Société canadienne du sang. Diverses démarches sont ensuite entreprises, selon la nature de l’information reçue :

  • Retrait de produit – Le retrait du produit est soit décidé par le fournisseur de sang, soit imposé par Santé Canada, l’organisme de réglementation. La démarche consiste à identifier les produits sanguins labiles posant un risque pour l’intégrité et l’innocuité des réserves de sang et à les retirer des stocks. Si les produits sanguins ont déjà été transfusés, le directeur médical du fournisseur de sang, le directeur de la banque de sang (ou de l’unité) de l’hôpital et le médecin traitant du receveur déterminent s’il est pertinent d’aviser le receveur.15   Par exemple, la Société canadienne du sang retirerait de ses réserves et détruirait une unité de plaquettes dont l’analyse a révélé une contamination bactérienne. De même, une banque de sang d’un hôpital retirerait de ses stocks les produits sanguins provenant d’un donneur qui aurait déclaré avoir fait de la fièvre dans les jours suivant son don.
  • Retraçage de donneurs – Cette démarche est faite lorsqu’il y a une possibilité qu’une transfusion ait transmis une infection (ex. : VIH, VHB, VHC, VNO, Chagas). La démarche consiste à retracer les donneurs concernés et à obtenir les résultats d’analyse négatifs (d’un don précédent) ou à identifier un donneur dont les résultats étaient positifs pour le marqueur en question. Lorsque la Société canadienne du sang apprend que des analyses ont révélé une infection transmise par transfusion (lorsqu’il n’y a aucune autre cause connue), elle repère le ou les donneurs concernés ainsi que les produits sanguins transfusés et prend des arrangements pour que les donneurs en question passent de nouveaux tests de dépistage.

Si les nouveaux tests s’avèrent positifs pour l’agent infectieux et que le donneur a donné du sang auparavant, le retraçage du donneur peut mener à un retraçage des receveurs.

  • Retraçage de receveurs – Le retraçage des receveurs consiste à identifier et à contacter les personnes qui ont reçu des produits sanguins provenant d’un donneur qui, lors d’un don ou d’un test de dépistage subséquent, a obtenu un résultat positif confirmé pour un agent infectieux transmissible (ex. : VIH, VHB, VHC, VNO, Chagas). Lorsque la Société canadienne du sang apprend qu’un donneur a obtenu un résultat positif à un test de dépistage d’une maladie transmissible, elle retrace les dons antérieurs faits par ce donneur et rappelle les produits qui y sont associés. La Société communique avec les hôpitaux qui ont reçu des produits préparés à partir de ces dons afin d’identifier les receveurs visés et de les informer de la situation. Les receveurs subissent alors un test pour savoir s’ils sont porteurs de l’agent infectieux trouvé chez le donneur. La Société canadienne du sang peut être informée du résultat.

Dans les deux procédures de retraçage — receveurs et donneurs —, identifier les personnes qui ont obtenu un résultat positif à un test de dépistage d’une maladie transmissible par transfusion est essentiel, et ce pour deux raisons : 1) assurer l’intégrité des réserves de sang, et 2) offrir aux donneurs et aux receveurs la possibilité de subir les tests appropriés et de bénéficier d’un suivi adéquat. Selon l’agent infectieux, les donneurs concernés pourraient être exclus du don de sang indéfiniment. La Société canadienne du sang fait état de toutes ses enquêtes de retraçage dans un rapport qu’elle remet à Santé Canada et dont les résultats sont publiés chaque année dans son Rapport de surveillance.16

Implication des parties prenantes

C’est par l’entremise d’un comité national de liaison et de comités de liaison régionaux que la Société canadienne du sang consulte les parties intéressées : groupes de consommateurs, associations de patients/receveurs, professionnels de la santé, hôpitaux, sans oublier la jeunesse canadienne et les communautés ethniques.

Hôpitaux

Les hôpitaux jouent un rôle primordial dans l’innocuité des produits sanguins transfusés aux patients. Divers cadres de fonctionnement existent, selon la taille de l’hôpital, mais trois d’entre eux sont plus courants :

  • Le directeur médical et le personnel du laboratoire de médecine transfusionnelle commandent les produits sanguins au fournisseur de sang selon les besoins de l’hôpital, entreposent les produits reçus, puis les distribuent au personnel clinique. Ils veillent également à ce que les patients reçoivent des produits qui leur sont compatibles. Lorsque l’hôpital reçoit des demandes du fournisseur de sang, par exemple pour des enquêtes de retraçage de donneurs ou de receveurs, ils identifient les personnes qui ont reçu les unités de sang possiblement infectées. Selon la politique de l’hôpital, il se peut qu’ils aient à contacter le médecin qui a commandé l’unité de sang suspecte et/ou le receveur afin de les informer du risque et de la nécessité de faire de nouveaux tests. Les membres de cette équipe reçoivent les rapports sur les réactions transfusionnelles indésirables ainsi que sur les incidents transfusionnels survenus dans leur hôpital. Ils font ensuite rapport au fournisseur de sang de toute réaction transfusionnelle ayant pu être causée par un produit sanguin défectueux. De même, ils signalent aux fabricants de protéines plasmatiques toute réaction transfusionnelle soupçonnée d’avoir été causée par un produit plasmatique de mauvaise qualité. De plus, ils divulguent les cas de réaction transfusionnelle indésirable, soit volontairement par l’entremise du Système de surveillance des incidents transfusionnels de l’Agence de santé publique du Canada ou du système d’hémovigilance du Québec, soit par obligation, pour respecter les exigences de Santé Canada. (Les réactions transfusionnelles sont traitées plus en profondeur dans le chapitre 10.) Le directeur du laboratoire de médecine transfusionnelle supervise les politiques sur les transfusions cliniques et l’utilisation du sang.
  • Le personnel clinique spécialisé en médecine transfusionnelle travaillant dans les unités où se font des transfusions sanguines est chargé d’élaborer des politiques transfusionnelles et d’appliquer celles qui sont approuvées par l’hôpital ou par le comité régional de transfusion.
  • Les médecins traitants prescrivant les transfusions commandent les produits sanguins pour leurs patients. Il est de leur responsabilité de voir à ce que les produits sanguins soient utilisés de façon optimale et à ce que soient suivies les pratiques transfusionnelles appropriées.

Dans la foulée de la commission Krever3, des postes d’agent de sécurité transfusionnelle ont été créés dans la plupart des grands centres hospitaliers du Canada. Ces postes sont occupés par des infirmières autorisées ou des technologues de laboratoires médicaux spécialisés en transfusion. Les titulaires de ces postes sont chargés de veiller à la qualité et à l’innocuité des transfusions effectuées au sein de leur établissement, en particulier dans le service transfusionnel et les unités, ailes ou cliniques où se pratiquent des transfusions.

Par ailleurs, des comités de transfusion ont été établis pour superviser les activités transfusionnelles. Ces comités, qui sont habituellement rattachés à plusieurs hôpitaux d’une même région, offrent avis et soutien pour favoriser une pratique transfusionnelle sûre. Multidisciplinaires, ils sont formés de médecins, d’infirmières, de personnel de services transfusionnels et de membres dirigeants.5, 17

Autres entités jouant un rôle essentiel : les collèges des médecins et chirurgiens, et les ministères de la Santé. Ces entités provinciales établissent les normes des laboratoires offrant des services d’analyse pour les patients, dont les laboratoires de médecine transfusionnelle des hôpitaux. Les laboratoires situés dans les provinces concernées doivent avoir l’agrément et/ou le permis requis et respecter les normes provinciales pertinentes.

En vertu du Règlement sur le sang de 2014,6 Santé Canada surveille les hôpitaux de plus près en ce qui concerne les activités ayant des répercussions sur la qualité et l’innocuité des produits sanguins. Les hôpitaux qui transforment le sang (lavage des globules rouges, irradiation des produits sanguins, etc.) doivent être inscrits auprès de Santé Canada et se soumettre régulièrement à des audits gouvernementaux. Les hôpitaux qui distribuent et transportent des produits sanguins doivent en outre respecter certaines dispositions du Règlement, même si ces activités ne nécessitent aucune inscription particulière.

Autres organisations contribuant au système transfusionnel

D’autres organisations contribuent à la sécurité du système d’approvisionnement en sang du Canada. Ces organisations élaborent des normes et des lignes directrices, et appuient la recherche et l’éducation.

La Société canadienne de médecine transfusionnelle (SCMT) encourage l’excellence dans le domaine de la médecine transfusionnelle au Canada. Organisation interprofessionnelle sans but lucratif, elle a été créée en 1979 sous le nom d’« Association canadienne des immunohématologistes ». La SCMT facilite les activités éducatives relatives à la médecine transfusionnelle, notamment par son activité phare, un congrès annuel organisé par des spécialistes du milieu transfusionnel en partenariat avec la Société canadienne du sang et Héma-Québec. La SCMT joue également un rôle dans le développement continu des normes en publiant un ensemble de normes pour services transfusionnels en milieu hospitalier, lesquelles reflètent les meilleures pratiques de médecine factuelle au Canada.17 Conforme à la fois à la norme CSA sur le sang et au Règlement sur le sang de Santé Canada, cette publication favorise une pratique transfusionnelle sécuritaire dans les hôpitaux en plus de servir d’outil pour l’obtention de l’agrément dans certaines régions.

L’AABB, anciennement connu sous le nom de American Association of Blood Banks, est une association internationale sans but lucratif représentant des individus et des institutions œuvrant dans les domaines de la médecine transfusionnelle et des thérapies cellulaires. Les établissements canadiens utilisent les normes qu’elle élabore pour les banques de sang et les services transfusionnels comme recommandations supplémentaires. Ses nombreuses ressources éducatives sont également pertinentes pour le système canadien.

Dans son rapport, le commissaire Krever recommandait de faire progresser la recherche, un élément essentiel au maintien d’un système transfusionnel sûr. Au Canada, le ministère fédéral de la Santé accorde une aide financière à la Société canadienne du sang pour qu’elle développe un programme de recherche-développement axé sur la sécurité et l’approvisionnement du système du sang.18 À l’échelle internationale, l’International Society of Blood Transfusion (ISBT), une organisation scientifique fondée en 1935, favorise la recherche et la mobilisation de la connaissance par l’intermédiaire de congrès régionaux et internationaux. L’ISBT prône la normalisation et l’harmonisation de la pratique transfusionnelle. Par exemple, elle a joué un rôle significatif dans l’élaboration de la norme mondiale sur l’identification, l’étiquetage et le transfert d’information des produits d’origine humaine (dont les produits sanguins). Cette norme, la norme ISBT 128, a été adoptée par le Canada.19 Autre contribution majeure de l’ISBT à la communauté transfusionnelle, la classification des divers groupes sanguins sous une nomenclature commune. Par ailleurs, il y a le Biomedical Excellence for Safer Transfusion (BEST) collaborative, un organisme de recherche international qui explore des moyens d’améliorer les services associés à la transfusion par la normalisation des méthodes d’analyse, l’élaboration de procédures, l’examen systématique des données et la mise en application d’études cliniques et de laboratoire. À l’heure actuelle, le collectif BEST regroupe des membres provenant de 22 pays. Parmi les membres, 42 représentent la communauté scientifique, 13, le secteur de la fabrication et 17, les fournisseurs de sang.

Les groupes de protection de la santé ayant un intérêt particulier pour le domaine de la transfusion jouent également un rôle dans la sécurité du système d’approvisionnement en sang. Leurs activités de recherche et de mobilisation de la connaissance, ainsi que leur implication auprès des fournisseurs de sang, contribuent à l’excellence de la pratique transfusionnelle au profit des patients canadiens.

Environnement collaboratif

Les relations entre les divers acteurs du système canadien du sang sont illustrées à la figure 1. Si le système est aussi efficace, c’est grâce au cadre en place qui facilite ces relations et aux professionnels compétents et dévoués qui apportent une contribution précieuse à tous les niveaux. Malgré les percées dans le domaine de la science transfusionnelle, le risque demeure; la transfusion ne doit jamais être considérée comme un acte parfaitement sûr.

Au Canada, les décisions sur l’utilisation du sang reviennent principalement au personnel médical des hôpitaux. La collecte et l’analyse des échantillons sanguins des patients, la transfusion des produits sanguins ainsi que la surveillance des receveurs relèvent des professionnels de la santé. La science transfusionnelle évolue et il est difficile de faire en sorte que tous les intervenants, y compris les receveurs, aient de l’information actuelle sur les risques et les avantages de la transfusion. Nous espérons que le présent guide contribuera à optimiser l’utilisation et la sécurité du sang et des produits sanguins.

 

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Figure 1 : Relations entre les divers acteurs du système du sang au Canada. Par souci de simplicité, la province de Québec n’est pas incluse.

Crédits de développement professionnel continu

Les associés et les professionnels de la santé qui participent au Programme de maintien du certificat du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada peuvent demander que la lecture du Guide de la pratique transfusionnelle soit reconnue comme activité de développement professionnel continu au titre de la section 2 – Activités d’auto-apprentissage. La lecture d’un chapitre donne droit à deux crédits.

Les technologistes médicaux qui participent au Programme d’enrichissement professionnel (PEP) de la Société canadienne de science de laboratoire médical peuvent demander que la lecture du Guide de la pratique transfusionnelle soit reconnue en tant qu’activité non vérifiée.

Remerciements

L’auteure remercie Robert Barr et Ted Alport, qui ont rédigé la version précédente du présent chapitre, ainsi que Amanda Cullen, Jennifer Biemans, Rosanne Dawson, Margaret Fearon, Oksana Prokopchuk-Gauk, Robert Romans et Kathryn Webert pour la révision de la présente version.

Si vous avez des questions ou des suggestions d’amélioration concernant le Guide de la pratique transfusionnelle, veuillez communiquer avec nous par l’entremise de notre formulaire.

Documents de référence

  1. Mulcahy AW, Kapinos AK, Briscombe B, Uscher-Pines L, Chaturvedi R, Case SR, Hlávka J, Miller BM. Toward a Sustainable Blood Supply in the United States: An Analysis of the Current System and Alternatives for the Future. Published in Santa Monica, CA by RAND Corporation, 2016. https://www.rand.org/pubs/research_reports/RR1575.html
  2. Picard A. The Gift of Death: Confronting Canada’s Tainted-Blood Tragedy. Published in Toronto, Canada by Harper Collins, 1995.
  3. Commission d'enquête sur l'approvisionnement en sang au Canada, rapport final / Commissaire, Horace Krever. Gouvernement du Canada, 1997. publications.gc.ca/site/fra/9.642028/publication.html.
  4. Clarke G., Chargé S. (dir.) Guide de la pratique transfusionnelle. Société canadienne du sang. professionaleducation.blood.ca/fr/transfusion/guide-de-la-pratique-transfusionnelle.
  5. Association canadienne de normalisation. CAN/CSA Z902-15 — Sang et produits sanguins labiles. Groupe CSA, 2015.
  6. Direction générale des produits de santé et des aliments. Ligne directrice : Règlement sur le sang. Gouvernement du Canada, 2014. https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/medicaments-produits-sante/produits-biologiques-radiopharmaceutiques-therapies-genetiques/information-demandes-presentations/lignes-directrices/reglement-sang/ligne-directrice-reglement-sang.html.
  7. Centre de la lutte contre les maladies transmissibles et les infections (CLMTI). Système de surveillance des incidents transfusionnels (SSIT) : Résultats sommaires 2009-2013. Agence de la santé publique du Canada, 2016.
  8. World Health Organization. Blood Donor Selection: Guidelines on Assessing Donor Suitability for Blood Donation. Published in Geneva, Switzerland by World Health Organization, 2012.
  9. Goldman M. Donor Selection for Recipient Safety. ISBT Science Series 2013; 8: 54-7.
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  19. Bureau de l'audit et de l'évaluation, Santé Canada et Agence de la santé publique du Canada. Évaluation des Programmes de la Société canadienne du sang bénéficiaires de contributions de Santé Canada 2013-14 à 2016-2017. Gouvernement du Canada, 2018. https://www.canada.ca/fr/sante-canada/organisation/transparence/rapports-gestion/evaluation/evaluation-programmes-societe-canadienne-sang-beneficiaires-contributions-sante-canada-2013-14-2016-17.html.
  20. Armitage J, Ashford P, Bolton W, Butch B, Cabana E, Freire M, Georgsen J, Muon M, Poniatowski S, Sims Poston L, Slaper-Cortenbach I, Szczepiorkowski Z, Uhrynowska-Tyszkiewicz I. ISBT 128 Standard - Technical Specification V5.9.0. ICCBBA, 2018.